Chapitre 12 :
Victoria Falls : Trace du Temps Perdu
Après ce copieux petit déjeuner, avisés des conseils et bonnes astuces de notre baroudeur de Didier, nous prenons la route à 9H15 à la découverte des célébrissimes « Victoria Falls ». Il faut compter une bonne heure et demie de route périlleuse, ( j’ai serré les fesses et fermé les yeux plusieurs fois durant le trajet, alors que nous grimpions à bord de notre 4x4 des côtes raides et escarpées) mais quel panorama ! Les mornes aux sommets brumeux, les nuages dessinant des ombres fantomatiques sur les véritables gouffres de lointaines vallées verdoyantes, des pans entiers de Montagne couverts de fleurs, de cocotiers, de bananiers, cacaohiers, fougères arborescentes ...
Arrivés à Délices,
nous sommes séduits par ce petit village perdu dans la campagne, et croisons de nombreux villageois qui remontent des champs, le coupe-coupe à la main, et de gros et lourds sacs de patates douces sur la tête. Une vieille dame très sympathique, parlant un anglais-créole très coloré, nous indique la direction de la piste des chutes. Nous la prenons en stop pour lui éviter de gravir à pieds la pente raide , chargée comme elle est .Elle accepte avec enthousiasme, et n’est pas peu fière de saluer ses compagnons de labeur qui l’envient ! Elle nous remercie plusieurs fois, en tentant quelques mots français comme « Merci » et « A pa quoi » et éclate de rire en s’entendant prononcer cette langue étrangère. Elle nous propose également gentiment des patates douces pour nous prouver sa gratitude, mais elles lui seront bien plus précieuses qu’à nous. En revanche, par pudeur, timidité ou superstition, elle refuse la photo-souvenir....
Nous voilà face à la pancarte dont nous avait parlé Didier : « Trace du temps perdu » : début de l’aventure !
Nous trouvons sans difficulté la bucolique clairière des rastas, située en bord de rivière , mais à notre grand désarroi, il n’y a personne : Moïse a dû partir avec un groupe de randonneurs. De fait, nous le croisons presque au pied de la chute, mais , comme nous le craignions, il est désolé de nous confirmer qu’ « it is too late for rasta food ! » En effet, Didier nous avait expliqué que d’habitude, il prépare le repas pendant que les randonneurs font l’aller-retour ; car il faut bien une heure et demie pour cuire les légumes dans des feuilles de bananiers sur un feu de bois...Nous sommes un peu déçus de rater ce repas traditionnel, mais ce sera pour une autre fois. ..
Nous mettrons presque une heure pour atteindre la cascade, au prix de laborieux efforts de crapahutage et escalade de rochers monstrueux,
d’innombrables traversées des torrents, s’immergeant dans l’eau bleuâtre
jusqu’à la taille parfois (quelques frayeurs pour le sac à dos et l’appareil photos !) ....mais quelle récompense au bout de la piste ! Une cascade majestueuse, inspirant le respect
par sa taille magistrale ( plus de soixante mètres selon Didier !) .
La pierre noire de la falaise dessine ici des lignes concentriques, et là des visages surréalistes, la végétation mousse sur des rochers polis et luisants, des centaines de lianes sylphides pendent élégamment de la cuvette arrondie que dessinent les hauts de falaise, et la bouche énorme et écumante de la cascade projette des millions de particules de goutelettes d’eau qui nous humidifient de la tête aux pieds, comme sous l’effet d’n brumisateur géant !
Nous décidons d’abanonner le premier lac , trop « bouillonnant » pour nous baigner dans une autre cavité , plus bas, où l’eau semble plus paisible, et nous attire par sa couleur blanc-vert. Instant de délectation . Elle est fraîche, mais revigorante après les efforts fournis. Une fois encore, sensation étrange de se sentir seuls au monde, comme Adam et Eve , ayant pour seule compagnie la cacophonie des oiseaux, et de sifflements non identifiés, comme des sons lointains de flûte...
La descente sera plus facile , car nous trouvons la bonne piste ( mais il fallait la voir ! Elle est entièrement cachée par un méli-mélo de racines, branches, fougères, hibiscus.... !) mais bien plus rapide que par les rives rocailleuses !
De retour à la voiture, nous bavardons un moment avec les rastas revenus de leur balade, très sympathiques et jovials.